mardi 24 septembre 2013

Historique des fouilles archéologique d’Ammaedara.
 Comme nous l’avons vu précédemment le site d’Ammaedara était connu depuis le XVIIIe siècle. Petit à petit le lieu révéla une grande richesse, d’abord par l’importance épigraphique tant qualitatif que quantitatif. Puis lorsque l’archéologie à la fin du XIX devint une discipline de l’histoire indispensable pour la connaissance du passé, plusieurs chercheurs s’intéressèrent aux nombreux monuments du site, notamment aux églises qu’on a retrouvé. En fait, les vestiges topographiques qui composent Ammaedara, retracent son histoire: au sud-est à environs un kilomètre d’Ammaedara sur le site du temple de Saturne on a retrouvé quelques traces artefacts d’origine puniques; tout au tour du lieu, de vastes nécropoles civiles entouraient Ammaedara, vers l’est de la ville à partir de l’arc de Septime Sévère le long de la voie Carthago-Theveste en allant en direction de Carthage une importante nécropole militaire révéla une forte quantité d’épitaphes de légionnaires de la Troisième Légion Auguste. 
A l’intérieur de la cité on avait des monuments caractéristiques d'une ville romaine: des thermes d’hiver, un théâtre, un forum et un capitole, l’arc de commémoration de Septime Sévère à l’entrée de la cité, et le fameux cardo maximus et decumanus maximus, typique d’une colonie romaine du Haut-Empire romain .


 Ammaedara c’est aussi la ville aux sept églises, la plus ancienne daterait de la seconde moitié du IIIe dont une chapelle rappelle la présence des Vandales, mais le vestige qui marqua l’esprit de tout temps, la vaste citadelle byzantine construite aux alentours de 540. 


Des découvertes récentes révèlent aussi que le site fut, au cours de la période médiéval, occupé, et entre l’arc de Septime-Sévère et la citadelle nous avons des vestiges d’une mosquée peut-être ottomane. Paradoxalement des traces du camp de la Troisième Légion Auguste n’ont pas encore été découvertes. Aujourd’hui, les chercheurs actuels forment l’hypothèse que la citadelle byzantine s’est construite sur l’emplacement du camp1 et Les seuls preuves que nous possédons sont indirectes, elles proviennent principalement des stèles de soldats de la légion découverte dans le cimetière militaire à l’est de la ville.
La période des recherches au cours du Vingtième siècle débute avec André Piganiol (1883-1968) et Roger Laurent-Vibert (1884-1925).Les deux chercheurs étaient membres de l’Ecole française de Rome, A. Piganiol en fut membre de 1906 à 1909 et R. Laurent-Vibert de 1907 à 1909. Entre 1908 et 1909, l’Ecole française de Rome et le Service Archéologique de Tunisie dirigé par A. Merlin leurs confièrent la mission de se rendre à Haïdra et d’effectuer les premières fouilles officielles. Le rapport et les résultats de leurs travaux furent publiés en 1912 dans la revue de l’Ecole française de Rome, les Mélanges de l’École Française. Leur article se divisait en deux grands chapitres. Le premier concernait la partie archéologique des travaux et le deuxième traité la question épigraphique.
La première année de fouilles en 1908, A. Piganiol se chargea principalement des inscriptions en effectuant des fouilles des nécropoles Est, Sud, et Ouest. Il prospecta aussi dans les zones nord-ouest de la voie Carthago-Theveste, la partie est de la cité au sud de la route moderne et sans approfondir la Basilique I, ainsi que la «maison fortifiée». Par ailleurs, L’épigraphiste étendit ses recherches dans le territoire proche de la cité, notamment vers le nord, l’est et le nord-est. La deuxième année, les fouilles se concentrèrent principalement sur certains édifices: les thermes, la «basilique civile» (le monument à fenêtres), et le site d’Henchir el Khima au nord-est d’Haïdra [deux sites hors d’Haïdra, concernant Tébessa]
Grâce aux deux chercheurs, les fouilles entreprises ont permis une avancée importante sur la connaissance du site. A. Piganiol par ses recherches réussit à identifier deux types de nécropoles prés de l’arc de Septime Sévère, l’une militaire situé la plus à l’est le long de la voie romaine, l’autre civile placé entre l’arc et le cimetière militaire et identifier les autres nécropoles du site. 


Par ailleurs, de nombreux mobiliers2 ont été découverts et attribués à chacun des secteurs. La description de la fouille des thermes fut plutôt courte, car les archéologues pensaient avoir à faire à une nouvelle église. En revanche, la basilique I est décrite avec beaucoup de détails et proposent une restitution du plan de l’édifice et son élévation. Enfin, les deux archéologues ne se contentèrent pas d’explorer uniquement Ammaedara, mais élargirent leurs recherches au nord de la cité, à l’est en direction de Thala, au sud-est vers les djebels et au sud dans la plaine de Foussana. Ils purent se rendre aussi sur les multiples ruines qu’avaient répertoriées les brigades topographiques. Ainsi ils eurent une formidable récolte d’inscriptions épigraphiques. A. Piganiol et Laurent-Vibert rapportèrent plus de cent-soixante-dix nouvelles inscriptions, dont vingt-neuf issues d’Henchir el-Khima, quatre-vingts d’Haïdra (trente venant du cimetière orientale (en 1929, est retrouvée par M. Coggia et Héron Villfosse sur la route de Haïdra près de la frontière un bas relief, BCTH, 1909).
En 1916, l’article sur la Troisième Légion Auguste de De Pachtère Felix-George3, membre de l’Ecole française de Rome (1907-1910), démontre qu’Ammaedara était le premier quartier général de la légion avant son installation à Theveste, il est lu par R. Cagnat le 16 juin 1916 devant les membres de l’Académie des Inscriptions des Belles-lettres. Il est probable que F.-G. De Pachtère rendit visite à Haïdra probablement pendant son voyage en Tunisie entre mai et juin 1910 où il fit des prospections dans la région de Téboursouk et du Fahs.
Quelques mois avant la Grande guerre, en mai 1914, Martin Jean (1888-1914), membre de l’Ecole de 1912 à 1914 est envoyé par l’Ecole française de Rome et le Service des antiquités de Tunisie à Henchir Bouibet. Sa principale mission était de récolter des textes qu’il trouva dans deux groupes de ruines l’un composé d’une nécropole et l’autre de plusieurs bâtiments. Il décrivit les monuments dont vingt-quatre nouvelles inscriptions et révisa certaines qui avaient été recopiées par G. Wilmanns. Puis, pendant toute la durée de la guerre aucune nouvelle documentation sur Ammaedara, sauf en août 1918, une épitaphe chrétienne est recopiée par M. Pernot, inspecteur de l’Enregistrement à Thala qu’il adresse au musée Lavigerie à Carthage. en 19204, reprise de la campagne de prospection des brigades topographiques interrompues au cours de la guerre.
Au début des années vingt Enrico Josi archéologue du Pontificio Istututo di archeologia cristina de Rome passa Par Haïdra pour ses recherches sur les églises chrétiennes du Maghreb, il y photographia les basiliques I et II, la citadelle, le monument à Auges et l’arc. Ses photos plus celles du Service des Antiquités de Tunisie et un certains nombres de clichés de l’American Academy in Rome sont les seuls photographies conservées avant l’intervention du docteur Dolcemascolo qui transforma l’ensemble du paysage archéologique du site.

Au début des années vingt (1925) la première mission archéologique est organisé par le docteur Dolcemascolo médecin à la mine de phosphate de Kalaat Djerda (aujourd’hui KalaaT Kasbah) sous l’égide de Louis Poinssot directeur des SAAT. Dolcemascolo aura la charge du chantier jusqu’aux débuts de la Seconde guerre mondiale. Bien que la mission se déroule sous la période du protectorat français, elle préfigure les futures missions qui s’effectueront après la décolonisation. Dolcemascolo se chargea au cours des travaux de déblayer la basilique I de Melleus ou de saint Cyprien, lors du nettoyage la mission on retrouva (1934-1935) un dépôt de reliques déposés par l’évêque Melleus, correspondant à ceux de saint-Cyprien (voir le plan du site), il dégagea aussi le capitole et une partie des thermes d’hiver, entreprit le premier la fouille de la basilique II dite de Candidus ou des Martyrs qui permit de découvrir l’inscription des martyrs de Dioclétien. Malheureusement, les fouilles sur le chantier se firent sans véritable contrôle méthodologique, Louis Poinssot supervisait les travaux de Tunis, ainsi aucun inventaire ne fut fait pour répertorier l’ensemble des objets trouvés. Cependant, nous savons que quelques pièces furent ramenées chez lui, dont trois inscriptions, des objets comme des reliquaires, et des chapiteaux. A sa mort les pièces rejoignirent le musée du Bardo et Les recherches s’interrompirent au début de la Seconde guerre mondiale. Il faut attendre les années soixante et la décolonisation pour que commence une nouvelle campagne archéologique.
Les fouilles à Ammaedara reprennent en septembre-octobre 1967, elles sont organisées par l’Institut National d’Archéologie Tunisien, en collaboration avec le Centre National de la Recherche Scientifique (Centre de recherches sur l’Afrique méditerranéenne à Aix-en-Provence) . Cette première mission était co-dirigée par Hedi Slim, Abdelmajid Ennabli et Noel Duval. Ce dernier entre 1963 et 1966 alors qu’il effectue des recherches sur le site de Sbeitla, prit des relevées à Ammaedara principalement sur la basilique I de Melleus ou de saint- Cyprien, à la fois sur les fondations et sur les inscriptions en prévision des fouilles pour l’année 19675. Cette première mission inaugure 45 ans de collaboration scientifique franco-tunisienne, de recherches archéologiques à Ammaedara, ainsi que l’étude des inscriptions épigraphiques du site, notamment les inscriptions chrétiennes qui «représentent l'un des groupes les plus importants et les plus homogènes de l'Afrique du Nord, après celui de Carthage»6. Aujourd’hui les dernières recherches7 co-dirigées par Fathi Béjaoui (ancien directeur de INP8, et actuellement responsable du site d’Ammaedara), Ben Abdallah Benzina Zeineb responsable de l’étude des inscriptions païennes d’Ammaedara et François Baratte de l’INAH (l’Institut National d’Art et d’Histoire), se sont surtout concentrées sur la citadelle byzantine, les deux églises à l’intérieure et le bâtiment à Auges situé au nord-est de la cité près de la «chapelle vandale».
1Duval Noel, «Topographie et urbanise d’Ammaedara (actuellement Haïdra)», dans ANRW, II, 10-2, 1982, p. 643.
2Un mobilier qui se compose de 29 lampes, 23 amphores ou vases en terre cuite, un bracelet et une fibule certains se retrouvent dans le catalogue du musée Alaoui 1910 et d’autre peuvent être consulté dans l’article de Piganiol & Laurent-Vibert: Piganiol André, Laurent-Vibert Robert. «Recherches archéologiques à Ammaedara (Haïdra)», in Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 32, 1912, p. 69-229, fig. 1.
3 De Pachtère Félix-Georges, «Les camps de la troisième légion en Afrique au premier siècle de l'empire», in Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 60e année, N. 3, 1916, p. 273-284.
4 Pour Haïdra les travaux débutes en 1921 jusqu’en 1927-1928. Voici la liste des brigades qui couvrirent la région et à quelle période elles agirent:
N°LIX, feuille de Kalaat-Senane, brigade du capitaine Roger (1921). Pour Haïdra, Lt. Maugenest (travaux 1-1 et 1-2); Briaud (2-1 et 2-2); Chosson (3-1 et 3-2); s/Lt. Boulard (4-2 et 5-1); cpt. Debled (4-1 et 5-2); Désiré (6-1 et 6-2).
N°LXVII, feuillet de Thala, 1er brigade du cpt. Baudry.
N°LXXV, feuille de djebel Bireno, cpt. Houdemont ( 1927-1928).
N°CLXVIII, feuille algérienne de Morsott (couvre une partie du territoire antique d’Ammaedara).
5 Duval Noël, «L'église de l'évêque Melleus à Haïdra (Tunisie) : la campagne franco-tunisienne de 1967», in: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 112e année, N. 2, 1968, p.221-228.
6 Duval Noël, Recherches archéologiques à Haïdra. I. Les inscriptions chrétiennes, Rome, École Française de Rome, 1975, p.5.
7La dernière mission a eu lieu en septembre 2012.
8Institut National du Patrimoine, anciennement l’Institut National d’Archéologie et d’Art Tunisien (INAAT).

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